Faut-il opter pour la FRANCHISE de TVA ?
Publié le mercredi 15 December 2021

Les entreprises, quel que soit leur statut juridique, peuvent opter pour le mode « Franchise de TVA » dès lors que leur Chiffre d'Affaire (CA) reste en-dessous de plafonds annuels définis par la loi. Si elles optent pour cette formule, elles ne font plus figurer de TVA sur leurs factures de ventes, mais, en contrepartie, ne « récupèrent » plus la TVA sur leurs achats.

Le mode « franchise de TVA » est-il toujours favorable à l'entreprise ?

La réponse n'est pas si simple et mérite une analyse approfondie de l'activité et de la situation de l'entreprise.

RAPPELS SUR LE PRINCIPE DE LA TVA EN FRANCE

La TVA est un impôt dû par les consommateurs finaux et que n'acquittent pas, en général, les entreprises, sauf, justement, celles en « Franchise de TVA » que nous aborderons plus loin. Intéressons-nous tout d'abord au cas général.

Si l'entreprise classique n'est pas assujettie à la TVA, elle demeure un collecteur de la TVA : c'est elle qui l'ajoute à son Prix de Vente (dit Prix Hors Taxe ou PV HT) pour obtenir le Prix de Vente TTC (Toutes Taxes Comprises) qui est payé par le consommateur.

Cette TVA, payée par le consommateur et encaissée par l'entreprise, s'appelle la TVA Collectée. Elle ne rentre pas dans le Chiffre d'Affaire (CA) de l'entreprise qui est le cumul de ses ventes HT. La TVA collectée est dûe à l'état et sera reversée régulièrement au Trésor Public, lors d'une Déclaration de TVA, en général mensuelle.

Parallèlement, l'entreprise réalise aussi des achats (marchandises, matières premières, sous-traitances...) pour lesquelles elle règle à ses fournisseurs des factures émises en TTC, qui incluent donc de la TVA.

Or l'entreprise classique n'est pas assujettie à la TVA (c'est uniquement le consommateur final qui l'est). Le Trésor Public doit donc  rembourser à l'entreprise cette TVA indûment payée à ses fournisseurs. On appelle cette TVA payée aux fournisseurs la TVA Déductible car, lors de sa Déclaration de TVA, l'entreprise va déduire ce montant de sa TVA Collectée, pour ne payer au Trésor Public que la différence (TVA Collectée – TVA Déductible).

Remarque : l'état n'y perd pas, puisque la TVA « déductible » devient de la TVA « Collectée » pour chacun des fournisseurs. Ceux-ci vont donc reverser au Trésor Public ce même montant, déduction faite de leur propre TVA « déductible »... et ainsi de suite.

Conclusion : le bénéfice d'une entreprise « normale » se calcule en déduisant les dépenses HT (appelée Charges) de son CA HT (appelé aussi Produits). On ne tient aucun compte de la TVA dans le calcul de ce résultat (BENEFICE = PRODUITS HT- CHARGES HT).


Comment marche la FRANCHISE de TVA ?

Lorsqu'une entreprise opte pour le régime « Franchise de TVA », elle acquiert un statut de consommateur final, c'est à dire :

-      elle ne facture plus de TVA à ses clients. Elle n'est donc plus collectrice de TVA pour l'État, à qui elle ne doit plus rien sur son CA (en tout cas, rien en ce qui concerne la TVA)

-      elle ne « récupère » plus la TVA sur ses achats et paye donc ses achats en TTC (soit 5,5% à 20% plus chers qu'une entreprise « classique ») 

Un avantage évident apparaît immédiatement : L'entreprise n'a plus de Déclaration de TVA à rédiger chaque mois et économise donc cette obligation administrative, parfois lourde.

Pour autant, ce régime de franchise n'est pas toujours une bonne affaire pour l'entreprise...

Quel est l'impact du régime FRANCHISE DE TVA sur le bénéfice d'une entreprise ?

 

Ce régime de Franchise intervient à double titre sur le bénéfice de l'entreprise :

-      au niveau des Charges

-      au niveau du Chiffre d'Affaire


1) Impact de la franchise sur les charges

Il est clair que le régime de franchise en TVA, qui ne permet plus la récupération de la TVA payée aux fournisseurs, augmente d'autant le montant des charges. Ce qui, à CA égal, réduit d'autant le bénéfice !

Mais de combien ?

Le montant de cette augmentation des Charges est variable selon le secteur, d'activité et l'organisation de l'entreprise. En effet, les taux de TVA varient de 0% (assurances, loyers, transport de personne, salaires...) à 20% (la plupart des biens et services) en passant par des taux de 5,5% (produits de premières nécessités : biens alimentaires…) et 10% (hôtellerie, restauration,…).

Suivant la « composition » de ses charges, l'entreprise paiera donc de 0% en plus (dans l'hypothèse rarissime où celle-ci n’achèterait que des biens et services au taux de 0%) à 20% en plus (pour une entreprise  qui n'achèterait des biens et services tous soumis au taux de 20%, cas très rare aussi).

Dans tous les cas, les charges sont supérieures (de 0% à 20%) dans le cas de la Franchise en TVA ; les bénéfices devraient donc être inférieurs... dans la même proportion, mais ce n'est pas toujours le cas, car la « Franchise de TVA » peut aussi  favoriser la croissance de votre CA en vous procurant un avantage compétitif.


2) Impact de la franchise sur les Produits (CA)

Normalement, l'impact sur la franchise en TVA sur le Chiffre d'Affaire de l'entreprise devrait être nul car, dans un cas comme dans l'autre, le CA se calcule sur la valeur HT des ventes.

Illustration : un commerçant M DUPONT vend un article unique au PV HT de 25 et il en vend 100 par mois.

- en régime Normal

PV HT = 25 et taux de TVA = 20% on obtient un PV TTC = 30, soit une TVA Collectée de 5 par article.

Son CA HT mensuel est de : 25 x 100 articles vendus = 2 500  ; il a encaissé 30 x 100 = 3 000 et il doit à l'État :   5 x 100 = 500 (qui correspond bien  à la différence entre ses encaissements (3 000) et son CA (2 500)

Donc M DUPONT réalise un CA de 2 500 par mois 

- en Franchise de TVA

PV = 25 et le client lui règle 25 (car il n'y a pas de TVA à ajouter)

CA =  25 x 100 =  2 500.

On retrouve bien le même CA dans les 2 cas !

Pourtant, dans la réalité, les choses ne se passent pas toujours comme cela. Pour mieux analyser le phénomène, il nous faut imaginer 2 situations différentes :

-       Dans le 1er cas, M DUPONT s'adresse à une clientèle d'entreprises (en régime normal de TVA) qui donc, récupèrent la TVA sur leurs achats et s'intéresse donc au prix HT des produits qu'elles achètent.

-       Dans le second cas, M DUPONT possède une clientèle de particuliers qui payent donc leurs achats en TTC.

A) Clientèle d'Entreprises

Si notre commerçant, M DUPONT, vend ses articles exclusivement à des entreprises. Celles-ci, qui récupèrent la TVA,  regardent le prix HT, qui est le même (25 ) dans les 2 options, que M DUPONT soit en Franchise de TVA ou pas. 

Leur comportement d'achat (tendance à acheter chez M Dupont ou ses chez concurrents) sera donc inchangé quelle que soit son option de TVA. Le volume des ventes de M Dupont (nombre d'articles vendus dans le mois) ne sera donc pas affecté par son option. Le CA de M DUPONT restera identique en Franchise de TVA et en régime classique. 

Comme ses Charges augmentent avec la franchise de TVA (cf paragraphe précédent) : son bénéfice va donc diminuer s'il choisit la franchise ! Il n'a aucun intérêt à choisir cette option.

Illustration : Supposons que M DUPONT achète ses articles, (qu'il revend 25) à un Prix d'Achat HT de 15 HT, il les paye donc 18 TTC avec 3 de TVA (20% de 15). Supposons, pour simplifier, qu'il n'a aucune autre dépense.

- S'il reste soumis à TVA (renoncement à la franchise)

Ses achats du mois s'élèvent à 15 x 100 = 1 500 (il a payé 1 800 mais récupère 3 x100 = 300 de TVA)

Son bénéfice est égal à CA  – ACHATS HT = 2 500 - 1 500 = 1 000

- s'il opte pour la franchise de TVA

Ses achats sont de maintenant de 18 x 100 (car il ne « récupère pas la TVA dans ce cas)  = 1 800

Son bénéfice est égal a CA – Achats TTC = 2 500 – 1 800 = 700

Dans ce cas, le bénéfice passe de 1 000 à 700 soit une baisse de 30% ! Le mode Franchise de TVA lui fait perdre 30% de son bénéfice.

Cette perte peut être pire : si sa Marge est faible (différence entre prix de Vente et prix d'Achat), l'option FRANCHISE peut réduire à néant cette marge et entraîner des pertes pour l'entreprise au lieu d'un bénéfice en régime de TVA normal. Attention donc !

B) Clientèle de Particuliers

Si, autre hypothèse, M DUPONT vend exclusivement à une clientèle de particuliers, ceux-ci sont sensibles au prix payé (c'est à dire au prix TTC et non au prix HT comme le sont les entreprises). Le problème se pose donc très différemment. 

En effet, ce prix payé sera différent selon que M DUPONT ait choisi, ou non, d'opter pour la franchise !

S'il opte pour la franchise, son prix public sera de 25 (pas de TVA appliquée), contre 30 s'il n'a pas opté pour la franchise.

Avec l'option « Franchise de TVA », il obtient donc un net « avantage concurrentiel » qui peut lui permettre espérer « vendre plus » au détriment de ses concurrents qui n'auront pas opté pour la franchise. 

Illustration : Si au prix de 25 (au lieu des 30 initiaux) les ventes passent de 100 à 140 articles par mois. Le bénéfice dégagé devient : (25 - 18) x 140 = 980 (25- 18 est la marge par article vendu 25 et acheté 18).

On retrouve ici presque le bénéfice sans Franchise (qui était de 1 000).

Mieux : M  Dupont peut augmenter un peu son prix (par ex 28) puisque ses concurrents vendent à 30. Il vendra alors, disons, 120 articles (un peu plus que les 100 à 30, mais un peu moins que les 140 à 25)

Dans cette hypothèse, son bénéfice sera : (28-18) x 120 =1 200   (soit 20% d'augmentation par rapport à 1 000).

LA FRANCHISE devient là tout à fait pertinente si cette option permet de réaliser plus de CA.

NOS Conclusions sur La FRANCHISE de TVA

Avant d'opter pour le régime de FRANCHISE en TVA, il convient donc d'analyser en détail le montant de ses charges soumises à TVA, mais aussi sa clientèle, son marché et la sensibilité de celui-ci au prix de vente payé.

L'impact de ces différentes variables sur le résultat attendu peut-être considérable.

En règle générale, si votre clientèle est constituée presque intégralement de professionnels (qui donc récupèrent la TVA sur leurs achats), il est probable que le régime de « franchise en TVA » vous sera, peu ou prou, défavorable. 

A contrario si vous travaillez quasi exclusivement avec des particuliers, dans un univers concurrentiel soumis à TVA, ce régime peut vous permettre de développer rapidement votre Chiffre d'Affaire et de dégager une marge plus forte. 

Attention cependant : le régime de franchise n'est pas applicable dès que le Chiffre d'Affaire de votre entreprise dépasse les plafonds annuels légaux (en 2021 : 34 400 pour les activités de service et 85 800 pour les Ventes de Biens). Il est conseillé de prévoir une marge de sécurité vis à vis de ces limites car le choix du régime se fait pour une durée de 2 ans minimum et le dépassement du plafond entraîne l’assujettissement de l’entreprise à la TVA à compter du 1er jour du mois au cours duquel ces seuils sont dépassés.

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